La consommation des fruits & légumes et les repas pris en famille

Vitamine C et artères : des relations bénéfiques

Facteur de risque cardiovasculaire majeur, l’hypertension artérielle (HTA) est, à elle seule, responsable d’un tiers de la mortalité globale et sa prévalence s’accentue avec le vieillissement de la population. Selon l’OMS, l’HTA est définie par une pression artérielle ≥ 140/90 mm de mercure, quelque soit l’âge et le sexe. Il existe une relation linéaire directe entre les taux de pression artérielle et l’incidence des maladies cardiovasculaires et la mortalité.

La teneur en vitamine C des fruits et légumes (F&L) frais, qui représentent la principale source alimentaire de cet antioxydant indispensable à l’organisme, est largement supérieure à celle des F&L cuits. En effet, la vitamine C est une vitamine fragile, rapidement détruite par la cuisson dont la demi-vie n’est que de 30 minutes dans la circulation sanguine. La concentration plasmatique en vitamine C reflète avant tout les habitudes alimentaires des individus. Si les essais de supplémentation en antioxydants (vitamine C, E et β carotène) n’ont pas démontré de réduction du risque cardiovasculaire, en revanche, les études prospectives ont montré que la consommation régulière de F&L, dont la concentration plasmatique en vitamine C est un bio marqueur, est inversement liée à la mortalité et à l’incidence des maladies cardiovasculaires, en particulier les accidents vasculaires cérébraux (AVC).

L’hypothèse d’une action potentielle de la vitamine C sur la tension artérielle

Les mécanismes des effets protecteurs des F&L sur l’HTA ne sont pas encore bien connus. Pour cette raison, les investigateurs de l’étude EPIC-Norfolk en Grande Bretagne, ont étudié l’hypothèse d’une action potentielle de la vitamine C sur la réduction des chiffres tensionnels à partir d’une large cohorte de population. Ils ont réalisé une étude transversale chez 20 926 sujets, femmes et hommes, âgés de 40 à 79 ans, participant à l’étude EPIC-Norfolk, entre 1993 et 1997. Leur tension artérielle a été mesurée à l’inclusion de même que leur IMC, leur taux plasmatique de vitamine C, dosé par fluorométrie, ainsi que leur bilan lipidique complet.

Les participants ont complété un questionnaire détaillé de santé et de mode de vie (niveau socio-culturel, antécédents médicaux, tabac, prise de suppléments de vitamine C ou de traitement antihypertenseur). Leurs habitudes alimentaires et leur consommation d’alcool ont été évaluées à partir d’un questionnaire de fréquence de consommation et leur activité physique a été classée selon 4 niveaux.

Les taux plasmatiques de vitamine C ont été repartis en 4 quartiles afin d’étudier leurs associations avec la probabilité d’avoir une tension artérielle ≥ 140 mm Hg.

Des analyses statistiques multi variées ont été réalisées afin d’éliminer l’influence d’autres facteurs de risques d’HTA, de même que des analyses de régressions multiples pour évaluer l’association entre une déviation standard de 20 μmol/l de vitamine C – équivalent à une portion de F&L – et la tension artérielle. Autant dire que les données ont été soigneusement étudiées !

Une réduction de 22% du risque d’HTA

Les hommes et les femmes qui avaient les plus fortes concentrations en vitamine C avaient les tensions systoliques et diastoliques les plus basses. Globalement, la probabilité d’avoir une hypertension était réduite de 22% chez les sujets des quartiles supérieurs de niveaux de vitamine C comparé à ceux des plus bas (après ajustement pour l’âge, le sexe, l’IMC, le cholestérol, les antécédents médicaux, le tabac, l’activité physique, l’alcool, la classe sociale, l’éducation, la prise de suppléments contenant de la vitamine C et de traitement antihypertenseur).

Ajouter des années à la vie ?

En outre, dans cette étude, la réduction de la tension artérielle associée à une augmentation de 20 μmol/l de vitamine C plasmatique représente l’équivalent d’un gain de 2,5 à 3 ans par rapport à l’âge chronologique. Cette réduction étant d’autant plus significative chez les non fumeurs et ex fumeurs. Cette étude, portant sur plus de 20 000 sujets, met donc en évidence une relation forte et linéaire entre la concentration plasmatique de vitamine C et la tension artérielle, en particulier systolique. La concentration plasmatique de vitamine C est un bio marqueur de la consommation de F&L dans cette cohorte de sujets. Une augmentation de 20 μmol/l de vitamine C plasmatique correspond à une portion supplémentaire de F&L. Ces données appuient la notion que « 5 portions de F&L par jour » peuvent avoir un impact substantiel sur la réduction du risque cardiovasculaire.

Quelles perspectives ?

Reste à expliquer les mécanismes potentiels de ces effets protecteurs… La vitamine C agit à la fois comme un antioxydant et un vasodilatateur, en augmentant la biodisponibilité du monoxyde d’azote. Or on sait que le stress oxydant joue un rôle majeur dans l’HTA rénovasculaire. Si des études de supplémentation en vitamine C ont démontré un effet antihypertenseur rénovasculaire chez l’animal (rat Wistar), il n’en est rien chez l’homme. A l’évidence, la vitamine C agit plus comme un marqueur de la consommation de F&L que comme un vasodilatateur en soi. Les études à venir devraient logiquement se focaliser, non seulement sur la quantité de F&L consommés mais sur leur qualité, en particulier leur richesse en vitamine C pour mieux comprendre les relations entre habitudes alimentaires et risque d’HTA.

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
Myint et al, Hypertension, 2011;58:372-379. "Association between plasma vitamin C concentrations and blood pressure in the European Prospective Investigation into Cancer-Norfolk population based study".
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