Promouvoir une « alimentation saine »

Qui vit seul mange mal !

Le nombre de personnes vivant seules dans les pays développés est en constante augmentation et constitue un important changement social et démographique. En 2010, elles représentaient 23 à 29% de la population en Australie, au Canada, en Grande Bretagne et aux USA, 30 à 49 % dans les pays d’Europe de l’ouest et 31% au Japon.

Les comportements alimentaires sont influencés par des facteurs financiers, sociaux, de mode de vie et d’environnement, qui sont eux même liés à la probabilité de vivre seul. Même si ce n’est pas totalement prouvé, des études ont mis en évidence des relations entre le fait de vivre seul et un plus fort risque de problèmes de santé, comme le diabète, la mortalité totale et cardiovasculaire, les chutes, les incapacités fonctionnelles et l’isolement social. Les apports alimentaires et le statut nutritionnel représentent deux facteurs qui peuvent expliquer ces différences dans la survenue de problèmes de santé.

Des chercheurs australiens ont mené une vaste revue de la littérature afin de déterminer s’il y avait une différence dans l’alimentation et le statut en nutriments, entre les adultes vivant seuls et ceux vivant avec d’autres personnes. Sur un total de plus de 800 études, 41 répondants aux critères d’inclusion ont été retenues. Elles regroupaient 38 études cas témoins et 3 études de cohortes dont la majorité d’entre elles rassemblait un grand nombre de sujets (29 d’entre elles incluaient plus de
1000 participants).

Les résultats étaient exprimés en groupe d’aliments consommés, en apport en nutriments, en score pour l’alimentation et en analyse de modèles alimentaires.

Une personne seule a un plus faible apport en fruits et légumes

Concernant les groupes d’aliments consommés, 18 études ont analysé l’association entre vivre seul et la consommation d’un ou plusieurs groupes d’aliments. 14 se sont particulièrement intéressées aux fruits et légumes. Les résultats sont assez probants. 10 d’entre elles ont montré qu’un homme ou une femme vivant seul avait un plus faible apport en fruits et/ou légumes et était moins enclin à suivre les recommandations alimentaires que les personnes vivant ensemble. Cette association n’était retrouvée que chez les hommes dans 5 de ces études.

7 études ont analysé la fréquence de consommation de viande, poisson et volaille. Les résultats étaient surtout clairs pour le poisson : 3 études ont montré que les hommes et les femmes vivant seuls consommaient moins de poisson. Pour la viande, la volaille et les oeufs les résultats étaient moins nets, de même que pour la consommation de céréales, pommes de terre ou produits laitiers. Concernant les aliments riches en graisses et/ou en sucres, les résultats étaient contradictoires. Il semblerait cependant que les femmes vivant seules aient tendance à consommer plus d’aliments riches en graisses.

Apports en nutriments: pas de grande différence

6 études ont analysé les apports quotidiens en macro et micronutriments. Trois d’entre elles n’ont pas noté de différences entre les personnes vivant seuls ou ensemble (avec la réserve que les effectifs étaient réduits – 33 à 190 sujets). De même 3 études plus vastes n’ont pas retrouvé de différence dans les apports en énergie, en macro et micronutriments.

6 études se sont basées sur des scores de qualité alimentaire (aliments et nutriments). Quatre d’entre elles ont montré que vivre seul était associé à un moindre score de qualité nutritionnelle.

Les solitaires ont plus de probabilité d’avoir des habitudes alimentaires peu saines

En conclusion, même si les résultats ne sont pas toujours concordants, ils suggèrent que par rapport aux personnes vivant ensembles, les personnes vivant seules ont une moindre variété d’apport alimentaire qui se traduit notamment par une plus faible consommation de certains aliments comme les fruits les légumes et le poisson. Les solitaires ont donc une plus forte probabilité d’avoir des habitudes alimentaires peu saines. Cependant les associations entre le fait de vivre seul et les apports en nutriments ne sont pas claires. Les hommes vivant seuls, étaient plus enclins que les femmes seules, à présenter des apports alimentaires malsains.

Ces résultats suggèrent que vivre seul pourrait affecter de manière négative certains aspects de la consommation alimentaire, même si les associations peuvent varier selon les groupes socio économiques. C’est en tout cas la première étude qui s’intéresse à grande échelle aux associations entre le fait de vivre seul et les apports en aliments et nutriments. Même si ces résultats suggèrent qu’il existe des différences par rapport aux personnes qui ne vivent pas seules, d’autres recherches sont nécessaires pour compléter ces données et mieux comprendre les interactions entre les multiples facteurs qui conduisent à vivre seul. Il faudrait également mieux étudier les liens entre une vie solitaire et la plus grande survenue de problèmes de santé.

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
K.L. Hanna - P.F. Collins, Nutrition reviews, Vol 73(9); 594-611, 2015
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