Comment les fruits et légumes favorisent-ils la santé ?

Le palmarès des fruits antioxydants

Le stress oxydant, induit par les radicaux libres, serait un facteur important pour le développement des maladies dégénératives chroniques. Il peut, en effet, provoquer des lésions oxydatives dans de grosses molécules biologiques comme les lipides, les protéines et l’ADN, avec pour résultat un risque accru de maladies inflammatoires et cardiovasculaires (MCV), de cancers, diabète, maladie d’Alzheimer, cataracte et de déclin fonctionnel lié à l’âge… Pour prévenir ou ralentir ce stress oxydatif induit par les radicaux libres, il est nécessaire de consommer des antioxydants en quantités suffisantes1. Dans cette optique, certains fruits pourraient représenter une stratégie de choix.

Une grande variété d’antioxydants

Les fruits, les légumes, les céréales complètes et d’autres produits naturels contiennent une grande variété d’antioxydants (phytomicronutriments) comme les acides phénoliques, les flavonoïdes et les caroténoïdes, qui aident les cellules à se protéger contre les lésions oxydatives, réduisant ainsi le risque de maladies chroniques1. Les études épidémiologiques ont largement rapporté les effets protecteurs des fruits, des légumes et des céréales complètes en montrant que leur consommation régulière est associée à une diminution de l’incidence de maladies chroniques, comme le cancer et les maladies cardio-vasculaires. Les phytomolécules bioactives et non-nutritives apportées par les fruits, légumes, céréales complètes et autres végétaux ont été associées à cette réduction du risque de maladies graves.

Compte tenu d’un tel potentiel protecteur, il est important de pouvoir mesurer l’activité antioxydante de ces phytomolécules par des tests biologiques appropriés.

De nombreux tests chimiques

Depuis le milieu des années 90, la recherche sur les antioxydants a considérablement progressé grâce au développement de nombreux tests chimiques visant à mesurer la teneur en phytonutriments et l’activité antioxydante globale de composés isolés, d’aliments et de suppléments nutritionnels. On peut citer divers tests : test Folin-Ciocalteu (F-C) (dosage des composés phénoliques totaux), test de la capacité d’absorption des radicaux oxygénés (ORAC), test du pouvoir antioxydant total (TRAP), test de capacité totale de capture des oxyradicaux (TOSC), test de capacité de capture des peroxyradicaux (PSC), capacité antioxydative en équivalent trolox (TEAC),  puissance de réduction des ions ferriques/antioxydants (FRAP), méthode des radicaux 2,2-diphénylpicrylhydrazyl (DPPH)… Cependant aucun ne prend en compte la biodisponibilité et le métabolisme des antioxydants.

L’intérêt des modèles de culture cellulaire

Les organismes biologiques sont beaucoup plus complexes que les simples mélanges chimiques utilisés dans ces tests et les antioxydants peuvent agir par de multiples voies métaboliques. Cette diversité fonctionnelle est illustrée par les différences d’efficacité pour un même composé en fonction des tests. De plus, pour la prévention des pathologies et le maintien de la santé, les mécanismes d’action des antioxydants ne se limitent pas à l’activité antioxydante de capture des radicaux libres1. Les meilleures mesures proviennent de modèles animaux et d’études chez l’homme. Elles sont cependant coûteuses, prennent beaucoup de temps et ne sont donc pas adaptées aux tests initiaux pour évaluer l’activité antioxydante des aliments et des suppléments nutritionnels. Les modèles de culture cellulaire représentent une approche plus rentable, relativement rapide et répondent à certaines interrogations concernant l’absorption, la distribution et le métabolisme.

Le premier congrès international sur les Méthodes d’Analyse des Antioxydants a souligné qu’avant de procéder aux études chez l’animal et aux essais cliniques chez l’homme, il est essentiel de développer des modèles de cultures cellulaires2. Nous avons donc mis au point un test d’activité antioxydante cellulaire (cellular antioxidant activity – CAA) afin de mesurer l’activité antioxydante des phytomolécules pures, des suppléments nutritionnels et des aliments3, 4.

Le principe du test d’activité antioxydante cellulaire CAA

Le test CAA utilise le 2′,7′-dichlorofluorescéinediacétate (DCFH-DA) comme sonde au niveau de cultures de cellules d’hépatocarcinome (cancer du foie) humain HepG23. Les cellules HepG2 absorbent la DCFH-DA non-polaire par diffusion passive. Le DCFH-DA est désacétylé par des estérases cellulaires pour former du 2′,7′-dichlorofluorescine polaire (DCFH) qui est emprisonné dans les cellules. Les radicaux peroxydes provenant du 2, 2′-azobis (2-amidinopropane) (ABAP) oxydent le DCFH pour former un composé fluorescent, la dichlorofluorescéine (DCF). Ainsi, le niveau de fluorescence intracellulaire est proportionnel au degré d’oxydation3. Les molécules phytochimiques pures, les antioxydants et les extraits de fruits atténuent l’effet des radicaux peroxydes et inhibent la formation de DCF fluorescent. La diminution de fluorescence intracellulaire par rapport aux cellules témoins indique la capacité antioxydante de ces composés.

L’activité antioxydante de 25 fruits couramment consommés

L’activité antioxydante a été mesurée par le test CAA dans 25 fruits consommés couramment aux Etats-Unis5. En général, on retrouve les valeurs les plus élevées pour les fruits rouges (myrtilles sauvages, mûres, fraises, myrtilles, framboises, canneberges) et la grenade. La myrtille sauvage montre les plus fortes valeurs au test CAA, suivi par la grenade et la mûre qui ont des valeurs similaires alors que fraises, myrtilles et framboises suivent, sans différences significatives entre elles. On trouve ensuite les canneberges, prunes, cerises, mangues, pommes, raisins rouges, kiwis, ananas, oranges, citrons, pamplemousses, pêches, poires, nectarines et melons d’hiver. De tous les fruits testés, ce sont les melons d’hiver, melons cantaloups et bananes qui ont les activités CAA les plus faibles. Les pommes représentent le plus grand contributeur en phénols végétaux dans l’alimentation américaine. Les pommes et les fraises sont les principaux contributeurs à l’activité antioxydante cellulaire.

Une stratégie logique pour accroitre les apports en antioxydants

L’activité antioxydante fournie par les fruits peut jouer un rôle important dans la prévention des cancers et d’autres maladies chroniques. En conséquence, augmenter la consommation de fruits est une stratégie logique pour améliorer les apports en antioxydants et réduire le stress oxydatif et diminuer ainsi les risques de cancer. Mesurer l’activité antioxydante des fruits sur des cellules en culture est une étape importante dans le criblage de l’activité biologique potentielle. Sur le plan biologique, ces résultats sont plus représentatifs que des données obtenues par des tests chimiques. D’autres tests sont nécessaires pour confirmer la relation entre les valeurs CAA des fruits et la modulation des marqueurs de stress oxydatif in vivo.

Rui Hai Liu
Département Alimentation, Université de Cornell, NY-USA
  1. Liu, R. H., Potential Synergy of Phytochemicals in Cancer Prevention: Mechanism of Action. J. Nutr. 2004, 134, (12), 3479S-3485.
  2. Liu, R. H.; Finley, J., Potential cell culture models for antioxidant research. J. Agric. Food Chem. 2005, 53, (10), 4311-4314.
  3. Wolfe, K.L. and Liu, R.H. 2007. Cellular antioxidant activity (CAA) assay for assessing antioxidants, foods, and dietary supplements. J. Agric. Food Chem. 55: 8896-8907.
  4. Wolfe, K. and Liu, R.H. 2008. Structure-activity relationships of flavonoids in the cellular antioxidant activity assay. J. Agric. Food Chem. 56: 8404-8411.
  5. Wolfe, K., Kang, X., He, X., Dong, M., Zhang, Q., and Liu, R.H. 2008. Cellular antioxidant activity of common fruits. J. Agric. Food Chem. 56: 8418-6426.
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