Consommation de fruits et légumes, déterminants socio-économiques et santé

L’alimentation en Europe ou les paradoxes de l’abondance (ENHR II)

Dans de nombreuses régions du monde, de mauvaises habitudes alimentaires sont à l’origine de la prévalence croissante du surpoids et de l’obésité. La coexistence d’une consommation excessive d’énergie, sous forme de graisses et de sucres, et de carences en micronutriments essentiels a été démontrée par plusieurs enquêtes nutritionnelles. La surveillance de la consommation alimentaire et de l’état nutritionnel des populations est donc importante pour identifier les nutriments essentiels et définir les bases d’une amélioration des comportements alimentaires.

Une vue d’ensemble de la situation nutritionnelle et sanitaire en Europe

Le premier rapport ENHR (European Nutrition and Health Report), publié en 2004, offrait une vue d’ensemble de la situation nutritionnelle et sanitaire en Europe. Pour le Rapport Européen 2009 (ENHR II) , les données des différents pays ont été compilées à partir de sources comme les Fiches d’Equilibre Alimentaire (FBS – Food Balance Sheets) de l’Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO), les disponibilités des aliments à la maison selon les Enquêtes de Budgets des Ménages du projet Européen de réseaux de données alimentaires (DAFNE – EU-supported Data Food Networking), la « base de données abrégée sur la consommation alimentaire » (Concise Food Consumption Database) de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) ainsi que des enquêtes nutritionnelles nationales.

Régimes Européens : des disparités régionales

Les dernières décennies ont connu non seulement une augmentation des apports en aliments d’origine animale (surtout viande rouge, volaille et produits laitiers) mais aussi en huiles, légumes et fruits. En parallèle est survenu un déclin des consommations des légumes secs, des pommes de terre et, à un moindre degré, des céréales. Dans la grande majorité des régions d’Europe cependant, la proportion des produits d’origine animale et végétale est restée stable hormis une exception notable dans les pays du Sud qui ont vécu une augmentation marquée de la consommation de ces derniers aliments.

Sur un plan régional, on a mis en évidence une importante consommation de produits laitiers et une moindre consommation de Fruits et Légumes (F&L) dans les régimes du Nord. Comme dans le Sud, l’offre, la disponibilité et la consommation de poissons étaient les plus élevées. C’est dans le Sud, et plus particulièrement au Centre et à l’Est, que l’on a connu la consommation la plus élevée en F&L. Par ailleurs, les quantités les plus importantes de céréales et de pommes de terre sont consommées dans le Centre-Est (figure 1) où l’on retrouve également une grande disponibilité et une forte consommation de viande.

Sur bien des points, les recommandations nutritionnelles ne sont pas suivies

Ne le nions pas : au cours des quatre dernières décennies, quelques tendances favorables sont apparues dans les régimes Européens (diminution de l’apport en graisses animales et augmentation des F&L et poissons). Néanmoins les recommandations nutritionnelles ne sont pas suivies sur bien des points. Ainsi, l’apport minimum de 400 g/jour de fruits et légumes recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé n’a été respecté que dans quatre pays, dont trois de la région Centre-Est. De même la consommation de fibres alimentaires et de bétacarotène – dont les F&L sont une source importante – était la plus élevée dans cette région alors que les recommandations n’ont pas été atteintes dans de nombreux pays Européens.

En revanche, la consommation de folates (Vit B9) était la plus faible dans le Centre-Est et le Sud et la plus élevée dans le Nord. Dans cette dernière région (surtout en Scandinavie), le plus fort apport moyen en calcium constaté reflétait une forte consommation de produits laitiers. C’était d’ailleurs la seule région à atteindre les recommandations concernant les apports en vitamine D.

Dans les régions du Centre-Est, l’apport en iode était généralement faible. Dans tous les groupes d’âge, les micronutriments essentiels et les tendances régionales étaient globalement similaires. L’apport de calcium était plutôt faible surtout chez les enfants âgés de 10-14 ans, ce qui pourrait avoir un impact important sur leur croissance et leur masse osseuse.

Globalement, l’apport en macro- et micronutriments était très variable, mais les consommations d’hydrates de carbone étaient plus élevées dans le Nord et le Centre-Est.

Dans le Sud, on a relevé les apports à la fois les plus faibles et les plus importants en matières graisses totales. L’apport en acides gras saturés était généralement trop élevé (plus de 10% de l’apport énergétique). Selon les FBS de la FAO depuis 1961, la contribution des matières graisses à l’apport énergétique total a augmenté de 30 à 35%, alors que celles des hydrates de carbone a diminué de 58 à 53%. Quant aux protéines, elles sont restées stables à 12% et les données des enquêtes nationales ont montré que cet apport était suffisant dans tous les pays et dans tous les groupes d’âge.

Enfin, l’apport énergétique était inférieur ou égal aux recommandations des pays Germanophones et comparable entre régions.

Beaucoup d’énergie et trop peu de micronutriments

Si l’on doit résumer ces données, en moyenne les régimes alimentaires des régions Européennes sont riches en énergie et en macronutriments énergétiques alors qu’ils ne contiennent pas suffisamment de composants alimentaires non énergétiques mais bénéfiques comme les folates, l’iode et les fibres alimentaires. En conséquence, les consommations de F&L – de même que de poisson pour les régions du Centre Est et de l’Ouest – devraient être augmentées.

Ibrahim Elmadfa
Institut des Sciences de la Nutrition, Université de Vienne, Autriche
Alexa L. Meyer
Institut des Sciences de la Nutrition, Université de Vienne, Autriche
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