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L’alimentation de demain…

Le vieux fantasme de l’alimentation en pilules

« Comment imaginez-vous l’alimentation dans 50 ans ? » La question a été posée au printemps 2014 à des habitants de la région Nord-Pas de Calais 1. Dans leur grande majorité, les réponses expriment une vision négative de notre futur alimentaire : des produits exclusivement industriels, plus chers, moins bons et consommés lors de repas de plus en plus rapides. Mais surtout, 28 % des interviewés – le score de loin le plus élevé – se disent persuadés que, demain, ils se nourriront d’« aliments artifi ciels : pilules, poudres, aliments en tube, déshydratés ou OGM ».

Le vieux fantasme de l’alimentation en pilules n’a donc pas disparu ! Déjà en 1894, le chimiste Marcellin Berthelot prédisait : « En l’an 2000, il n’y aura plus dans le monde ni agriculture, ni pâtres ni laboureurs. […] Chacun emportera pour se nourrir sa petite tablette azotée. » Heureusement, il y a peu de chances que notre ration se présente un jour sous cette forme. Pour ingérer nos 2000 calories quotidiennes, il faudrait en effet avaler 350 pilules ! Mais l’alimentation ne se réduit pas aux calories et aux nutriments. En France particulièrement, nous la percevons comme une source de plaisir et un facteur de relations sociales, et nous associons à nos plats et aliments des dimensions culturelles, symboliques, émotionnelles, affectives…

En revanche, il est certain que de nouveaux « aliments santé » verront le jour, destinés notamment aux personnes âgées, dont le nombre continuera de croître. A titre d’exemple, le projet de recherche NutriMémo mené au CHU de Bordeaux vise à mettre au point de nouveaux ingrédients permettant de retarder les effets du vieillissement cérébral. Lancé en 2013 pour une période de quatre ans, le projet Optifel associe quant à lui 27 partenaires européens pour concevoir des aliments à base de fruits et légumes destinés à lutter contre la dénutrition des personnes âgées.

Une alimentation sur mesure… en fonction des gènes ?

De nouvelles disciplines scientifiques – épigénétique, nutrigénétique, nutrigénomique – étudient les interactions entre les aliments et les gènes. Leurs avancées laissent entrevoir la possibilité d’une personnalisation fi ne de l’alimentation de chaque individu en fonction de ses facteurs de risques personnels. Ainsi, l’analyse de l’ADN d’un sujet permettra de déterminer son degré de susceptibilité génétique aux différentes pathologies liées à l’alimentation (obésité, diabète, MCV, cancers…). Le coût du séquençage du génome humain ne cessant de diminuer, ce décryptage pourra un jour être réalisé en routine et conduire à des conseils nutritionnels personnalisés.

Toutefois, identifier la présence de tel ou tel gène ne suffi t pas toujours car un gène peut ou non s’exprimer. On sait aujourd’hui que ce qu’a mangé la mère lors de sa grossesse a un impact sur l’expression des gènes de son foetus. On sait aussi qu’après la naissance, ce que mange le bébé, et plus tard l’adulte, a également un effet sur l’expression de ses gènes. Et que cette influence de l’alimentation sur l’expression des gènes d’un individu peut se transmettre à sa descendance. En étudiant sur plusieurs générations l’alimentation et l’état de santé d’une communauté de Laponie, des chercheurs suédois ont récemment montré que, pour un homme, le fait d’avoir eu un grand père paternel ayant souffert de la faim dans sa jeunesse est associé à un risque cardio-vasculaire moindre. En revanche, lorsque l’alimentation de sa grand-mère maternelle a connu de fortes variations (alternance de périodes de pénurie et d’abondance), sa petite fille présente plus de risques d’accidents cardio-vasculaires 2.

Le microbiote intestinal: un « deuxième cerveau »

D’autres découvertes récentes concernent le microbiote intestinal (ce qu’on nommait autrefois la flore intestinale). Les 100 000 milliards de micro-organismes qui constituent ce « deuxième cerveau » ont, entre autres, des fonctions liées à l’alimentation : fermentation, détoxification, régulation de l’appétit, stockage des graisses… Or, la composition de ce microbiote varie d’une personne à l’autre, ce qui a des conséquences différentes en termes de santé. L’ingestion, par un sujet donné, de probiotiques (micro-organismes vivants) ou de prébiotiques (nutriments) visant à « améliorer » son microbiote pourrait donc avoir des impacts santé positifs.

Remplacer la viande ?

Lorsqu’on évoque l’alimentation du futur, la consommation d’insectes est souvent évoquée. Ces derniers sont riches en protéines et leur élevage n’aurait qu’un impact limité sur l’environnement. Face à la forte hausse de la population mondiale d’ici 2050, la FAO présente les insectes comme un substitut à la viande : augmenter la production de cette dernière occasionnerait en effet de graves dommages à l’environnement (besoins considérables en eau et en surfaces pour produire les fourrages, émissions massives de gaz à effet de serre, pollutions…). Se pose toutefois, en France, la question de l’acceptabilité culturelle des insectes comme aliments. Autre piste : une équipe de chercheurs néerlandais a réussi, en 2011, à produire de la viande de synthèse à partir de cultures de cellules in vitro. Mais le prix du steak obtenu s’élevait à … 250.000 dollars !

La baisse de la consommation de viande par les Français conduit certaines entreprises à créer de nouveaux ingrédients riches en protéines végétales. Celles-ci peuvent être extraites des micro-algues (la chlorelle et la spiruline contiennent 60 % de protéines) ou de légumineuses comme le soja, le lupin, les pois, les féveroles (entre 25 et 40 %).

Des imprimantes 3D pour confectionner des pizzas

Au rayon des technologies émergentes, outre celles permettant la conception d’emballages « actifs et intelligents » plus performants, le grand public a découvert les imprimantes 3D que la NASA met au point pour confectionner des pizzas destinées à leurs astronautes (ces imprimantes sont déjà utilisées pour fabriquer des friandises sucrées). D’autres visions, futuristes, font entrevoir la possibilité de nourrir les villes à partir de fermes urbaines « verticales ».

Mais l’avenir de notre alimentation ne sera-t-il pas aussi, en partie, celui d’un retour aux valeurs sûres ? Un nombre croissant de nos concitoyens souhaite aujourd’hui consommer davantage d’aliments frais, locaux et de saison, des aliments plus « naturels », à la fois plus respectueux de l’environnement et moins transformés… des fruits et des légumes frais par exemple.

  1. Débat public régional sur l’alimentation. Source : www.participons.net
  2. Change in paternal grandmothers´early food supply infl uenced cardiovascular mortality of the female grandchildren – Lars Olov Bygren et al., BMC Genetics, 2014.
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