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La transition nutritionnelle à l’échelle mondiale

Le déséquilibre énergétique et l’incidence corollaire de l’obésité sont en croissance rapide dans le monde entier. Tandis que les maladies dégénératives affectaient principalement les pays développés, elles se sont étendues de nos jours à l’échelle mondiale et touchent aussi les pays en voie de développement concernés auparavant par la lutte contre d’autres fléaux tels que la famine. De fortes incidences de surpoids sont observées dans les pays à faibles et à forts niveaux socio-économiques, tant dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Les modifications alimentaires semblent toutes s’orienter vers une alimentation plus riche en calories et en produits sucrés, et plus pauvre en sucres complexes. La chute à grande échelle du prix des aliments (par exemple, le prix du boeuf), l’accès facilité aux supermarchés et l’urbanisation des zones rurales sont des facteurs clés sous-jacents. Pour la santé publique mondiale, le défi est clair.

Qu’est ce que la transition nutritionnelle ?

Le terme ‘transition nutritionnelle’ se réfère aux grandes modifications de la structure et de la composition de l’alimentation et de l’activité physique ayant abouti à des variations de la taille moyenne et de la composition corporelle. Cette transition évolue en parallèle avec des changements majeurs de l’état de santé, de la démographie et du niveau socio-économique de la population.

Pourquoi s’inquiéter?

L’évolution de l’incidence des maladies non-transmissibles dites dégénératives va en augmentant. Prévalence et tendances de l’obésité. Dans le monde entier, l’incidence et l’évolution de l’obésité sont très élevées : plus de 60% des habitants du Mexique, de l’Egypte, des Etats-Unis et de l’Afrique du Sud (femmes d’origine africaine) sont en surpoids, voire obèses. Plus important encore serait le taux d’accroissement de la prévalence du surpoids et de l’obésité à travers le monde. Une augmentation de 0,5 à 1,5 % de l’incidence de la population adulte en surpoids est souvent observée.

L’obésité est retrouvée aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural ! En général, l’incidence de l’obésité est plus élevée en zone urbaine. En revanche, des études menées à travers le monde montrent qu’à l’exception de 4 ou 5 pays, il y a plus de femmes adultes en surpoids qu’en sous-poids dans la plupart des zones urbaines et rurales.

Quels sont les facteurs alimentaires clés ?

L’alimentation à l’échelle mondiale devient de plus en plus calorique et sucrée. En même temps, les aliments à haute teneur en fibres sont en train d’être remplacés par d’autres plus raffinés. Il existe une grande variabilité au niveau des comportements alimentaires mais de grandes lignes semblent communes à la plupart des pays : la consommation d’huile alimentaire est en augmentation, particulièrement parmi les pays les plus pauvres, ainsi que l’alimentation d’origine animale et l’utilisation d’édulcorants. La consommation de fibres et de céréales complètes est en voie de diminution. Aussi, la consommation de fruits et de légumes devient de moins en moins importante, sauf dans quelques pays où elle reste élevée (Espagne, Grèce et Corée du Sud).

Quelles sont les causes majeures ?

La mondialisation, centrée sur la circulation libre des capitaux, des technologies, des biens et des services, a eu un impact important sur les modes de vie, y compris l’alimentation et l’activité physique, contribuant à l’épidémie d’obésité. Bien que beaucoup de chercheurs blâment les secteurs de la production, du marketing et de la distribution agroalimentaire mondiale (y compris les entreprises multinationales de boissons gazeuses, de restauration rapide et autres produits agroalimentaires), il existe d’autres facteurs tout aussi importants qui doivent être bien compris afin de mettre en oeuvre une politique de santé publique efficace pour les contrer. Ces autres facteurs comprennent: (a) de gros changements du marché de la technologie qui diminuent la dépense énergétique du transport, du travail et des loisirs; (b) la mondialisation des techniques modernes de traitement, de marketing et de distribution agroalimentaire (le plus souvent liée à l’occidentalisation de l’alimentation mondiale); (c) la croissance exponentielle des médias grand public à travers le monde et (d) les autres retentissements résultant de l’ouverture croissante de notre économie mondiale.

Le système alimentaire global a subi un changement capital par rapport à la commercialisation et la vente des aliments. Le marché des produits frais est en voie de disparition comme source majeure d’alimentation dans les pays en voie de développement. Ces marchés sont en train d’être remplacés par des hypermarchés multinationaux, régionaux ou locaux, appartenant à de plus grandes chaînes, ou, comme en Afrique du Sud ou en Chine, par des chaînes domestiques locales conçues pour fonctionner et ressembler à ces chaînes. De plus en plus, nous observons que ces hypermarchés orientent de plus en plus les tendances de dépenses alimentaires nationales ou régionales. Par exemple, en Amérique Latine, la part de marché de la vente d’aliments au détail des supermarchés est passée de 15% en 1990 à 60% en 2000. Ce même schéma se reproduit, à des taux et niveaux différents, en Asie, en Europe de l’Est et en Afrique.

Les politiques agricoles mondiales ont pour objectifs intrinsèques et à long terme la création de sources alimentaires, céréalières et animales, moins chères. Un résultat évident a été la chute dramatique du prix réel du boeuf et de ses produits dérivés. L’accès aux médias grand public mondiaux a aussi évolué d’une manière impressionnante.

Les coûts économiques de la transition nutritionnelle sont dramatiques

Aux Etats-Unis et dans d’autres pays industrialisés, de nombreuses analyses ont été effectuées sur les frais médicaux et autres reliés à l’obésité. Aux Etats-Unis, l’impact de l’obésité sur la mortalité est débattu: Flegal et ses collègues ont montré qu’une étude menée par le Centre de Contrôle et de Prévention des Maladies (CDC) montrant une incidence élevée de mortalité liée à l’obésité était erronée et que le tabagisme tuait plus de personnes que l’obésité. Plus récemment, selon une approche plus comportementale, une étude a montré que les frais médicaux engendrés par l’obésité surpassent de loin ceux du tabagisme, surtout chez les personnes ayant un IMC supérieur à 30.

Dans les pays en voie de développement, nettement moins d’études ont été menées dans ce domaine. En Inde et en Chine, il a été démontré que ces coûts économiques sont en progression rapide et représentent une part importante de leur PNB. En fait, il est très probable que le retentissement économique de la transition nutritionnelle vers une prépondérance de maladies dégénératives va accaparer le système de santé de la Chine et ralentir sa croissance économique

Existe t’il des modèles positifs au niveau national ou régional ?

Voir mon site web (www.nutrans.org) pour des exemples provenant du Brésil, de la Finlande et de la Corée du Sud.

Quels sont les défis ?

Notre défi est de concevoir des moyens d’améliorer la vie de nos concitoyens en (a) proposant l’alimentation plus variée et plus savoureuse qu’ils réclament ; (b) leur donnant moins de travail pénible ; (c) en prévenant l’obésité, le diabète de type 2 et toutes autres facettes du syndrome métabolique ; et (d) en prévenant une vaste gamme de cancers liés à ces profils alimentaires, d’activités physiques ou d’obésité. Le domaine des fruits et légumes, une composante négligée et inexploitée du secteur agroalimentaire, mérite toute notre attention.

Barry M. Popkin
Université de Caroline du Nord à Chapel Hill - USA
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