Encourager des choix alimentaires plus sains : illustration du rôle des politiques publiques ciblant le consommateur

Europe : agir sur l’information du consommateur ne suffit pas pour améliorer les habitudes alimentaires

La prise de conscience des conséquences d’une alimentation de mauvaise qualité nutritionnelle a conduit l’Union Européenne à repenser ses politiques alimentaires. Récemment, un article a évalué l’efficacité de la réglementation européenne relative à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires pour promouvoir des choix alimentaires plus sains. D’après ce travail, les mesures actuellement déployées ne sont pas suffisantes pour encourager les consommateurs à améliorer leur alimentation. À la lumière des limites identifiées, cet article propose plusieurs actions complémentaires dans le cadre d’une approche globale, tenant compte de l’ensemble des facteurs influençant les choix alimentaires.

En Europe, près de 950 000 décès sont attribués chaque année à une alimentation de mauvaise qualité nutritionnelle (Commission Européenne, 2021). Devant cette réalité, l’Union Européenne a revu ses objectifs en matière de réglementation et porte désormais l’attention sur l’amélioration de la nutrition (Garde, 2010). Parmi les axes privilégiés, l’Europe s’est notamment concentrée sur la règlementation de l’information relative aux denrées alimentaires afin d’encourager le consommateur à faire de meilleurs choix alimentaires.

En effet, une des convictions de la législation européenne repose sur le fait que des consommateurs bien informés sont responsabilisés (Commission Européenne, 2020). Jusqu’à présent, la littérature s’est penchée sur la règlementation de l’information dans le droit et les politiques de protections des consommateurs. Afin d’approfondir ce sujet, un article récent (Gokani, 2024) apporte une compréhension de la règlementation européenne de l’information spécifique au domaine alimentaire, jusqu’ alors peu documenté.

Des politiques alimentaires récentes, principalement axées sur l’information

D’après ce travail, le développement d’une législation alimentaire visant à encourager des choix alimentaires plus sains est relativement récent en Europe. Face à la multiplication des appels internationaux pour l’amélioration de l’alimentation, l’Union Européenne a commencé à se préoccuper de la qualité nutritionnelle des denrées alimentaires dans les années 1990 (Commission Européenne, 1997).

Actuellement, la principale stratégie de l’Union Européenne en la matière repose sur l’information et s’appuie sur deux principaux textes. Le règlement INCO / n° 1169/2011, adopté en 2011 et actuellement en cours de révision, concerne l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires. La stratégie « De la Ferme à l’Assiette », publiée en mai 2020 par la commission européenne, suggère quant à elle que :

La fourniture d’information claires qui permettent aux consommateurs de choisir plus facilement des régimes alimentaires sains et durables sera bénéfique pour leur santé et leur qualité de vie, et réduira les coûts liés à la santé.
Commission Européenne, 2020)

Les consommateurs sont considérés comme « bien informés » si l’information est suffisante, exacte, non trompeuse, claire et facile à comprendre (Règlement INCO, article 7). Pour cela, la règlementation européenne exige que 12 mentions obligatoires soient fournies par les fabricants. Parmi ces mentions figurent notamment, la liste des ingrédients, le nom et l’adresse de l’exploitant ou encore la déclaration nutritionnelle.

Des politiques européennes nécessaires mais dont l’efficacité reste limitée

Bien que nécessaire, la règlementation relative à l’information sur les denrées alimentaires comporte, selon les auteurs, plusieurs limites. En effet, les mentions exigées par le règlement INCO sont uniquement obligatoires sur l’emballage ou sur le site marchand. Ils soulignent ainsi que cela peut limiter leur impact sur les décisions d’achat, influencées par d’autres facteurs tels que la publicité télévisée, où l’information nutritionnelle n’est pas exigée.

Par ailleurs, autre faiblesse pointée par les auteurs, si la règlementation requière que les informations obligatoires soient « claires », cette exigence de visibilité ne garantit pas toujours qu’elles se démarquent des autres. Par exemple, la déclaration nutritionnelle peut apparaître au dos de l’emballage, où elle est moins visible. De plus, certaines images marketing ou allégations nutritionnelles peuvent distraire et nuire à la visibilité des informations obligatoires sur les aliments (Hawkes, 2010).

Enfin, les auteurs soulignent que la règlementation interdit toute information inexacte mais cette dernière peut être trompeuse. Présentée sous forme de tableau et exprimée pour 100g ou 100mL, la déclaration nutritionnelle doit permettre de faciliter la comparaison entre les produits alimentaires. Néanmoins, la taille des portions déclarée sur les étiquettes ne reflète pas toujours des portions réelles, ce qui peut induire le consommateur en erreur. De plus, les portions consommées pour des denrées différentes ne sont pas forcément les mêmes, la comparaison entre produits n’est donc pas pertinente (Scarborough et al.,2007).

Ainsi, pour les auteurs, les règles européennes actuelles en matière d’information sur les denrées alimentaires ne permettent pas, à elles seules, d’encourager les consommateurs à faire des choix alimentaires plus sains.

Concevoir des politiques globales intégrant l’ensemble des facteurs influençant les choix alimentaires

Bien qu’essentielle, l’information ne constitue qu’un facteur parmi d’autres dans les choix alimentaires. En effet, ainsi que le soulignent les auteurs, la manière dont les consommateurs prennent leurs décisions en matière d’alimentation est multifactorielle et complexe (Glanz et al., 2005). Ainsi, les auteurs appellent à concevoir des politiques agissant sur l’ensemble des influences environnementales, sociales et économiques pour améliorer la qualité des régimes alimentaires.

Afin de créer un marché alimentaire plus favorable à la santé, les auteurs suggèrent ainsi plusieurs actions complémentaires à intégrer aux politiques alimentaires telles que :

  • Limiter l’utilisation d’allégations nutritionnelles pour les produits moins sains ;
  • Inciter les industriels à la reformulation des denrées alimentaires : améliorer le profil nutritionnel en diminuant les quantités de sel, de graisses saturées par exemple ;
  • Encadrer plus strictement le marketing alimentaire, directement associé à l’augmentation de la consommation d’aliments de mauvais qualité nutritionnelle et à l’obésité (Gokani et al., 2022) ;
  • S’attaquer aux déterminants commerciaux à l’origine d’une mauvaise alimentation : réguler les pratiques de l’industrie conçues pour maximiser les ventes de produits palatables au détriment d’aliments plus sains (Swinburn et al., 2019).

Basé sur : Gokani, N. Healthier Food Choices: From Consumer Information to Consumer Empowerment in EU Law. J Consum Policy (2024).

Méthodologie
Messages clés
  • La stratégie principale de l’Union Européenne pour améliorer la qualité des régimes alimentaires repose sur la règlementation de l’information.
  • Les règles actuelles en matière d’information sur les denrées alimentaires ne permettent pas, à elles seules, d’encourager les consommateurs à faire des choix alimentaires plus sains.
  • Une approche plus globale est nécessaire pour améliorer l’alimentation des populations en agissant sur l’ensemble des facteurs influençant le choix des consommateurs.
Références
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