Obésité : une maladie contagieuse entre pairs ?

17 mai 2024

Comptant près de 15% d’enfants obèses ou en surpoids, la Chine est devenue le pays le plus touché par l’obésité dans le monde. Un nombre croissant de travaux suggèrent que l’obésité peut se transmettre au sein des couples, des fratries et entre amis proches. En tant que membres importants du réseau social, les camarades de classe pourraient également contribuer à la propagation de cette maladie. Toutefois, ce phénomène a rarement été étudié. Pour y pallier, une étude récente a examiné puis comparé les données d’élèves chinois issus de 26 écoles différentes. D’après ce travail, certains paramètres anthropométriques et habitudes de vie des enfants – alimentation, activité physique – sont associés à ceux de leurs camarades de classe.

Au cours des 40 dernières années, l’obésité est devenue un problème de santé majeur chez les enfants et les adolescents du monde entier (Caprio et al., 2020 ; Lister et al., 2023). Si de nombreux facteurs de risque liés au mode de vie ont été identifiés – alimentation, activité physique, sédentarité – le rôle de l’influence sociale suscite un intérêt croissant. De nombreux travaux démontrent notamment l’importance des liens sociaux sur le poids et les comportements d’un individu (Christakis et al., 2007 ; Datar et al., 2018).

L’enfance est une étape importante au cours de laquelle les individus développent des comportements de santé et établissent leurs relations sociales lors de l’entrée à l’école. À ce stade, les camarades de classe constituent des acteurs importants, susceptibles d’influencer les comportements de leurs pairs. Dans ce contexte, une étude transversale (Liu et al, 2024), menée en Chine, a cherché à savoir si l’obésité et les comportements liés à l’obésité se propageaient entre camarades de classe.

Des similitudes entre camarades dans les caractéristiques de l’obésité

Au total, 3670 élèves en classe de 4e, 5e ou 6e inscrits dans 26 écoles ont participé à cette enquête. Le recueil de plusieurs types de données a été effectué de mai à juin 2017 et comprenait :

  • Les données anthropométriques : taille, poids, IMC et pourcentage de graisse corporelle ;
  • Les niveaux d’activité physique : à l’aide du questionnaire PAQ-C;
  • Les apports alimentaires : déclarés par les parents à l’aide d’un questionnaire de fréquence alimentaire. Les groupes d’aliments comprenaient les légumes, les fruits, les fast-foods les collations et les boissons sucrées.
  • Les caractéristiques familiales : lieu de résidence, revenu mensuel du foyer et les niveaux d’éducation des parents ;
  • Les caractéristiques géospatiales : nombre de restaurants, de supermarchés, de zones d’activité physique dans un rayon de 1km autour de l’école de chaque enfant.

L’âge moyen des enfants interrogés était de 10,8 ans. En moyenne, l’IMC était de 18,9 et le pourcentage de graisse corporelle de 20,8 %.

D’après les résultats de cette étude, il existe des similitudes entre les caractéristiques associées à l’obésité ; des enfants de 4e et 6e et leurs camarades de classe. Par ailleurs, un effet sexe a été observé pour l’IMC et le pourcentage de graisse corporelle. En effet, ces paramètres anthropométriques étaient plus fortement associés à ceux de camarades de même sexe au sein d’une même classe. Cette association entre l’IMC et les liens sociaux est cohérente avec les résultats d’études précédentes menées au sein d’une même école (Asirvatham et al., 2014; Lim & Meer, 2018; Loh & Li, 2013; Nie et al., 2015).

Des comportements de santé qui dépendent de la force des liens entre pairs

Pour expliquer ces observations, plusieurs études suggèrent que les amis proches ont tendance à adopter des comportements de santé similaires (Ali & Dwyer, 2010 ; Balsa et al., 2011 ; Purwono & Rodkin, 2014 ; Daw et al., 2015 ; Montgomery et al., 2020). Plusieurs mécanismes issus des sciences comportementales et potentiellement impliqués dans la contagion de l’obésité, ont été identifiés :

  • La modélisation comportementale;
  • Les normes sociales ;
  • Le contrôle social ;
  • Le soutien social ;
  • La comparaison sociale ; (Cunningham et al., 2012; Hammond, 2010; Smith et al., 2020)

Toutefois, les recherches sur le sujet restent limitées et nécessitent d’être plus approfondies. Des études antérieures ont montré que le statut pondéral des enfants est plus fortement associé aux pairs du même sexe lorsque ces derniers sont définis comme des amis proches (Renna et al., 2008 ; Salvy et al., 2012 ; Chung et al., 2017). Les associations entre les liens sociaux et les comportements de santé peuvent ainsi suggérer que l'homophilie ; des comportements dépend de :

  • L’endroit où le comportement se manifeste ;
  • La force des liens entre pairs (Bahr et al., 2009).

Les interventions en réseaux comme stratégies préventives de l’obésité infantile

Cette étude est l’une des premières à explorer la potentielle “contagion” de l’obésité à l’école en examinant le statut pondéral des enfants ainsi que leurs comportements en matière de santé.

Ainsi que le suggèrent les résultats, la modélisation de comportements sains en classe peut encourager les enfants à adopter des habitudes bénéfiques à leur santé. Plusieurs travaux ont notamment démontré l’efficacité d'interventions en réseaux ; pour accélérer les changements de comportements (Hene et al., 2022; Jancey et al., 2023; Polman et al., 2023; Valente, 2012). Les travaux futurs sont ainsi invités à considérer l’inclusion des camarades de classe pour la conception d’interventions de prévention de l’obésité.

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